PERGOLÈSE (J.-B.)

PERGOLÈSE (J.-B.)
PERGOLÈSE (J.-B.)

Malgré une existence très brève (il est mort à l’âge où d’autres commencent une carrière), Pergolèse eut le temps d’affirmer sa valeur; il est un des génies les plus authentiques du préclassicisme italien. De tous les compositeurs vocaux du XVIIIe siècle, Pergolèse est certainement celui qui annonce le plus directement les réussites uniques de Mozart, aussi bien dans le domaine de la musique lyrique que dans celui de la musique sacrée. Le musicien de La Serva Padrona anticipe, sans l’étonnante profondeur psychologique, les belles pages de Così fan tutte , comme l’auteur du Salve , du Laudate et du Stabat laisse entrevoir le compositeur de la Messe en ut mineur ou de l’Ave verum .

Toute une carrière

La famille des Draghi était originaire de la ville de Pergola; c’est pourquoi son plus illustre rejeton, né à Jesi dans la Marche, fut connu sous le patronyme de Pergolesi , après avoir quelque temps porté celui de sa ville natale... Jean-Baptiste Pergolèse était de santé délicate dès sa naissance; le dessinateur Leone Ghezzi, auquel on doit une savoureuse caricature du jeune maître, rapporte qu’il boitait en raison d’une très grave affection; on sait aussi qu’il fut le seul des quatre enfants de ses parents à survivre.

Après les premiers éléments d’éducation musicale reçus du violoniste Francesco Mondini et du maître de chapelle de la cathédrale de Jesi, Francesco Santi, il fut admis vers 1722 ou 1723 au célèbre conservatoire napolitain «dei Poveri di Gesù Cristo», probablement grâce à un marquis mécène de Jesi, C. M. Pianetti. Parmi les maîtres qui le formèrent, il faut relever les noms de Gaetano Greco, Leonardo Vinci et Francesco Durante.

Pergolèse avait vingt et un ans lorsqu’il termina ses études au conservatoire et fit présenter comme une sorte de «chef-d’œuvre», au sens artisanal du mot, l’oratorio La Conversione di San Guglielmo d’Aquitania dans la cour du cloître S. Agnello: il révéla subitement un don d’invention mélodique tout à fait exceptionnel et déjà cette capacité de caractériser en quelques traits une situation qui est sans doute l’une des qualités principales des compositeurs lyriques authentiques. Le succès fut tel qu’il reçut immédiatement la commande d’un opéra pour la saison qui commençait au théâtre San Bartolemeo; cette Salustia est évidemment influencée par son maître Vinci, mais on y perçoit déjà tout ce qui fera le succès de ses partitions bouffes à venir.

À la fin de cette année 1732, qui vit la présentation des deux premiers opéras de Pergolèse sur les scènes napolitaines, la ville fut secouée par un violent tremblement de terre, et des services religieux solennels de supplication et de pénitence eurent lieu dans les principales églises. C’est à cette occasion que Pergolèse composa une messe solennelle à dix voix, double chœur, deux orchestres et deux orgues ainsi que les vêpres solennelles à cinq voix, dont le Confitebor tibi, Domine , particulièrement remarquable par ses richesses harmoniques et la structure originale des soli avec chœurs «en pédale».

Dès lors, la carrière du musicien était assurée. Il travailla pour l’impératrice d’Autriche, pour Charles III de Bourbon, pour les rois d’Espagne et même directement pour la cour impériale à Vienne. En 1734, il était devenu l’adjoint du maître de chapelle municipal de Naples, Domenico Sarri; il était le musicien attitré de la famille des Duchi Maddaloni et semble avoir joui très rapidement d’une considération dépassant largement sa patrie. Le président De Brosses parle de lui, dès 1739, comme de son «auteur d’affection», ce qui montre bien que sa gloire ne date pas, comme on l’écrit trop fréquemment, de la fameuse représentation de la Serva padrona à Paris, le 1er août 1752, qui déclencha la «querelle des bouffons».

Pour les noces fastueuses d’un alchimiste princier, dans la province de Foggia, en décembre 1735, Pergolèse devait composer deux partitions; la seconde a été achevée par Nicola Sabatini parce que le musicien était tombé malade. Le 19 août précédent, Pergolèse avait présenté la plaisanterie musicale Coi Cappucini di Pozzuoli , et la partition autographe de cette œuvre mentionne qu’il est mort dans ce monastère. Il paraît bien aussi que c’est dans le monastère de la baie qu’il acheva, quelques jours avant sa mort, le bouleversant Stabat Mater .

Il n’existe encore aucun catalogue indiscutable de l’œuvre de Pergolèse; dans la liste qui peut être actuellement établie, les œuvres incertaines ou faussement attribuées sont beaucoup plus nombreuses que les partitions certainement authentiques, ce qui prouve la grande gloire qui entourait le compositeur de son vivant ou au lendemain de sa mort. Parmi les œuvres le plus couramment attribuées par erreur à Pergolèse, il y a les six concertos pour cordes publiés par Ricciotti à Amsterdam. Les œuvres instrumentales certaines comportent un concerto pour violon, des sonates pour clavier, une sonate pour violoncelle et des pièces pour orgue; leur caractère commun est la qualité de l’invention mélodique et une conception nettement «progressiste», dans le style de l’école de Mannheim et de Jean-Chrétien Bach.

Une œuvre lyrique

L’essentiel de l’œuvre de Pergolèse est néanmoins vocal. Parmi ses grands opéras, il faut citer Il Prigionier superbo (1733) contenant le fameux intermezzo, La Serva Padrona (La Servante maîtresse ), Adriano in Siria (1736) – l’intermezzo Livietta e Tracollo en fait partie, plus connu sous le titre ultérieur de La Contadina astuta – et surtout L’Olimpiade (1735), qui n’a pas dû faire l’unanimité lors de sa présentation, car si le président De Brosses parle des «applaudissements que lui attira l’excellent opéra L’Olimpiade », André Grétry parle de tomates lancées au compositeur. Cela se comprend fort bien, car cette œuvre occupe une place unique dans l’art lyrique du XVIIIe siècle: Pergolèse y a réussi, probablement en vertu des contraintes imposées par une distribution de second plan, des mélodies d’une simplicité et d’une vérité évoquant le lied et les plus belles inspirations de Mozart, ce qui devait désorienter les spectateurs habituels de l’opera seria de son époque.

Les comédies musicales et les nombreuses arias sont moins importantes; il faut retenir pourtant Lo Frate ’nnamorato (1732), dont le succès justifia plusieurs arrangements successifs du compositeur.

En musique sacrée, les deux grandes messes (en et en fa ), les psaumes des vêpres mentionnées plus haut, un admirable Laudate pueri , qui date probablement de la fin de sa vie, comme l’un des motets à la Vierge, Salve Regina , comptent parmi les chefs-d’œuvre de la musique d’église concertante à l’orée de l’ère classique. Les qualités éminentes de ces œuvres se trouvent concentrées dans le célèbre Stabat Mater en fa mineur pour deux voix de femmes, orchestre à cordes et orgue: une extraordinaire perfection formelle de la ligne mélodique au service d’un sentiment particulièrement intense, toujours inspiré par le texte, et qui n’est pas sans rappeler la spiritualité la plus «humaine» du Moyen Âge, symbolisée par les écrits de Bernard de Clairvaux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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